KOUMIKO
[2014]
— J’ai rencontré Koumiko en 2014 à la Brasserie Wepler de la place de Clichy à Paris. On avait convenu avec David de s’y retrouver afin qu’il me la présente. En 1964, Chris Marker se rend au Japon afin d’y couvrir les Jeux Olympiques. Il rencontre Koumiko à l’institut franco-japonais où elle y est élève. Elle devient son interprète pour le reste du voyage et il finit par faire un film d’elle. Le mystère Koumiko suit la jeune femme, rêveuse et fantasque dans un Tokyo bruyant et affairé, et débute sur ces mots : « Koumiko Muraoka, secrétaire, plus de vingt ans, moins de trente, née en Mandchourie, aimant Giraudoux, détestant le mensonge, élève de l'Institut franco-japonais, aimant Truffaut, détestant les machines électriques et les Français trop galants, rencontrée par hasard à Tokyo, pendant les Jeux olympiques. Autour d'elle, le Japon... Koumiko n’est pas la japonaise modèle, à supposer que cet animal existe. Ni la femme modèle, ni la femme moderne. Ce n’est pas un cas, ce n’est pas une cause. Ce n’est pas une classe. Ce n’est pas une race. » Retour à la Brasserie Wepler. Koumiko ne parle pas fort, j’ai du mal à l’entendre dans le vacarme de la salle, mais elle me précise dès le début qu’elle n’est pas née au Japon mais en Mandchourie, qu’elle n’aime pas la Japon et les japonais, qu’elle habite en Europe depuis 1967. Berlin et Paris. Elle a un rire perçant, un peu enfantin. Elle aime mon visage, trouve mes joues rosées par le froid très belles. Elle est un peu absente, une silhouette très fine. David m’a dit qu’elle avait une sorte d’Alzheimer. Il m’a aussi prévenue, chez elle c’est très encombré, elle a développé un syndrome d’accumulation ces derniers temps. Elle me donne un papier où elle a écrit en majuscules son nom, puis son adresse, à côté du cimetière de Montmartre.